Il y a environ une quinzaine de jours, dans une circulaire* adressée aux préfets, Michèle ALLIOT-MARIE, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, rappelait "
l’arsenal juridique disponible" pour lutter efficacement "
contre les dérives sectaires" en encourageant ceux-ci justement "
à mener une action coordonnée de lutte".
La ministre déclarait que la "
difficulté tient à sa mise en œuvre qui ne peut se fonder que sur des éléments concrets, des faits avérés et pénalement répréhensibles".
Son schéma de raisonnement se divise en deux points :
1. Le principe : la liberté d’opinion et de croyance
2. Arsenal juridique pour lutter contre les groupements méconnaissant l’ordre public
Si son premier point est consacré, sur plus d'une page, à cette notion fondamentale de "
liberté d'opinion et de croyance" ce n'est pas un hasard. La lutte à la française, relative aux "sectes", a parfois violé la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en diffamant publiquement certains groupes. Du reste, on ne s'étonnera donc pas qu'elle soit souvent décriée dans certains pays (c.f. l’article de
Quartier Libre).
Son deuxième point développe une série de sanctions envisageables pour certaines "sectes", dont on aurait clairement déterminé, sur la base de "
faits régulièrement établis", un trouble "
à l’ordre public". Forts de cela, nos détracteurs sortiront sans doute les vieux dossiers nous concernant, comme le refus de transfusion sanguine, pour "avérer" leur mensonge : les témoins de Jéhovah sont dangereux, ils causent un trouble à l’ordre public. D'ailleurs les propos des membres de la dernière commission sur les "sectes" l'illustraient fort bien ! Mais, n'en déplaisent à ces parlementaires, ou "parle-menteurs", dorénavant, les arguments de ces derniers seront repoussés par l'auteur de cette circulaire. Car en effet elle déclare :
"
En matière de refus de transfusion sanguine par un adulte, je vous rappelle que le conseil d’Etat, dans une décision du 16 août 2002, a estimé que « le refus de recevoir une transfusion sanguine constitue l’exercice d’une liberté fondamentale » et que la loi dite Kouchner de mars 2002 a renforcé le droit du patient majeur à discuter de son traitement,
droit déjà consacré par la jurisprudence du Conseil d’Etat. En ce qui concerne plus spécifiquement les enfants et la transfusion sanguine, je rappelle qu’en cas d’urgence l’alinéa 5 de l’article L 1111-4 de la loi de mars 2002 prévoit que «Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur risque d’entraîner des conséquences graves sur la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables»."
"Oui mais ils sont sur la liste !" objecteront certains. Cette fameuse liste des "sectes", sur laquelle figuraient les témoins de Jéhovah, est depuis quelques temps déjà discréditée par des gens sérieux, et même par ses rédacteurs. Yves Bertrand, ancien directeur des Renseignements Généraux, dans son livre
Je ne sais rien mais je dirais (presque) tout questionnait :
"
Doit-on confondre en un même vocable, sectes et mouvements minoritaires, pratiquant le prosélytisme comme les témoins de Jéhovah ? Franchement je ne le pense pas. On a le droit de critiquer la scientologie ou les Témoins de Jéhovah, mais faut-il pour autant les transformer en diable ? Je pense même qu’à placer sur le même plan certaines sociétés de pensée et d’authentiques mouvements sectaires qui aliènent la liberté de leurs membres, on aboutit à l’inverse du but recherché. Sous prétexte de protéger la liberté de conscience, on empêche les citoyens d’embrasser les croyances de leur choix, ce qui est le contraire de la laïcité bien comprise."
De surcroît, cette liste est à "
abandonner" ordonne Michèle ALLIOT-MARIE "
pour privilégier une logique de faits ayant l’avantage d’élargir le champ des investigations sans limiter celles-ci à des groupements préalablement identifiés". Cette volonté exprimée par la ministre de braver les préjugés pour s’en tenir aux faits, et uniquement aux faits, marque sans doute un pas vers la justice dans notre pays.
Le regard porté sur les témoins de Jéhovah en France serait-il entrain d’évoluer ? Espérons le !
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http://www.amf.asso.fr/documents/docume ... D_DOC=8349